En compagnie de nos lectrices et lecteur de ce jour : Marie 1, Marie 2, Fleur, Gabrielle, Marie-France, Odile, Clo, Yveline, Rose, Isaline, Vincent, nous avons vécu des moments de grâce avec des œuvres de belle facture.

4ème lecture et peut-être pas la dernière. Un grand et gros roman qui ne devrait pas quitter la table de nuit… Il était une fois une enfant, Modesta, née le 1er janvier 1900, dans un monde frustre et rapidement englouti… Non, L’Art de la joie résiste à toute présentation. Roman d’apprentissage, il foisonne d’une multitude de vies. Roman des sens et de la sensualité, il ressuscite les élans politiques qui ont crevé le XXe siècle. Ancré dans une Sicile à la fois sombre et solaire, il se tend vers l’horizon des mers et des grandes villes européennes…  » Pourquoi faut-il lire ce livre ? Parce qu’il est un hymne à la joie. A la joie la plus simple qui soit, celle qui émane de la conscience et de l’acceptation sereine de sa propre existence et de celle des autres personnes et choses, sans lesquelles le bonheur serait absolument impossible. Le XXe siècle, époque de tragédies horribles et d’esprits brillantissimes, se révèle sous un angle différent et les événements qui le caractérisent – guerres et révolutions, sciences et techniques, art et philosophie – portent les stigmates d’une seule femme, Modesta, qui assume les espoirs et la volonté de toutes les autres. Nos lectrices le recommandent pour le bonheur qu’il leur procurera…
Dans ce court récit, l’autrice, pas encore trente ans, façonne sa propre légende. Née de parents fous de lecture et de l’Amérique, elle tapait à la machine à écrire à cinq ans et a toujours voulu être écrivain. Dans une langue vive et imagée, un salut revigorant à la littérature comme « activité respectable ». Avis partagé mais travail respectable en effet…
Note de l’éditeur : Un soir, une jeune chienne, traînant une sale histoire avec sa chaîne brisée, surgit à la porte d’un vieux couple. Sophie, romancière, qui aime la nature et les marches en forêt et son compagnon Grieg, déjà sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature. D’où vient cette bête blessée ? Qu’a-t-elle vécu ? Est-on à sa poursuite ? Son irruption va transformer la vieillesse du monde, celle d’un couple, celle d’une femme, en ode à la vie, nous montrant qu’un autre chemin est possible. Un chien à ma table relie le féminin révolté et la nature saccagée : si notre époque inquiétante semble menacer notre avenir et celui des livres, les poètes des temps de détresse sauvent ce qu’il nous reste d’humanité.
Il est des écrivains qui vivent dans la misère et ne sont reconnus qu’après la mort, il en est d’autres qui connaissent un succès fulgurant et retombent dans l’anonymat : Colette Yver (1874-1953) est de ceux-là. Pourtant, avec une soixantaine d’œuvres littéraires, le prix Fémina, la Légion d’honneur tout portait à croire que son nom resterait dans les mémoires, il n’en est rien. Convaincue que les femmes avaient un rôle à jouer dans une société où l’éducation ne leur était délivrée qu’à minima, elle a revendiqué à travers ses écrits une meilleure prise en compte de leurs qualités, principalement intellectuelles.
Mais les postulats d’une société misogyne et d’une éducation catholique traditionaliste l’ont contrainte à ne concevoir qu’une partie de la définition du féminisme. Elle n’a retenu que l’extension du rôle de la femme dans la société, omettant l’égalité homme-femme qui devrait en découler. Femme de cœur autant que de lettres, Colette Yver était sensible aux problèmes humanitaires et sanitaires de son époque : le dénuement, le mal-logement, l’illettrisme. Mais sa plus grande bataille résidera dans la lutte contre la tuberculose. Elle n’a pas hésité, pour la combattre, à user de ses propres deniers et de sa notoriété.
Adriana est comme un torrent, elle surgit toujours dans la vie de sa sœur avec la puissance d’une révélation, attisant la nuit des souvenirs. Elles ont été des enfants rebelles et complices, unies par le manque d’amour d’une mère aujourd’hui sur le déclin. Elles sont désormais des femmes, éloignées l’une de l’autre, lourdes d’un héritage de non-dits. Et pour qui ignore le langage de l’affection, il est difficile d’ouvrir son cœur. C’est à Borgo Sud, le quartier des pêcheurs de Pescara, ville des Abruzzes où les hommes forment une seule et même famille autour de la mer, que les deux sœurs parviendront peut-être à réparer le passé. La grande romancière italienne poursuit une œuvre subtile et profonde sur le temps et le mystère des sentiments.
Seconde lecture appréciée et rappel de l’histoire : Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple. Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d’un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence. Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. À chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.
3ème lecture et d’autres arriveront pour ce roman théâtral et ludique. « Sans le vouloir, j’avais commis le crime parfait : personne ne m’avait vu venir, à part la victime. La preuve, c’est que je suis toujours en liberté. » C’est dans le hall d’un aéroport que tout a commencé. Il savait que ce serait lui. La victime parfaite. Le coupable désigné d’avance. Il lui a suffi de parler. Et d’attendre que le piège se referme. C’est dans le hall d’un aéroport que tout s’est terminé. De toute façon, le hasard n’existe pas. Et vous que comprenez-vous ? suite la semaine prochaine…
«Je me moque de la peinture. Je me moque de la musique. Je me moque de la poésie. Je me moque de tout ce qui appartient à un genre et lentement s’étiole dans cette appartenance. Il m’aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m’arrêtant net devant un liseron, un escargot ou un soleil couchant. Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions. Je cherche cette présence qui a traversé les enfers avant de nous atteindre pour nous combler en nous tuant.» Ce livre n’est ni un essai, ni une biographie de Pierre Soulages, c’est un exercice d’admiration doublé d’une réflexion sur la « présence » du peintre et sur « l’énigme du surgissement de toute présence sur terre », qu’il s’agisse du père de l’auteur, d’un chauffeur de taxi ou de l’inconnu rencontré dans le train de Sète. Après nous avoir fait entendre la voix du peintre, visiter sa demeure parisienne, son atelier-garage, voir ses tableaux, rencontrer ses amis, bref cerner ce qui incarne la « présence » de Soulages, Christian Bobin nous raconte son voyage en train la nuit de Noël 2018 pour fêter à Sète l’anniversaire du peintre, ce qui lui permet de développer sa « thèse de philosophie » et d’achever un portrait intime et « en couleur » du peintre de l’outrenoir. Tout l’art déployé par l’auteur montre ici son efficacité : qu’on aime ou non la peinture de Soulages, on est séduit et touché.
S’inspirant de faits historiques, Viola Ardone raconte l’histoire poignante d’un amour manquée entre un fils et sa mère. Immense succès en Italie et en cours de traduction dans 29 pays, ce roman remarquable révèle une auteure d’exception. « Le Train des enfants est une histoire qu’il fallait absolument raconter, et l’autrice le fait avec passion et maestria. 
Seconde lecture et rappel du thème  : Ce premier roman est construit autour d’une vie entre deux langues et deux pays. D’un côté, la Russie de l’enfance, celle de la datcha, de l’appartement communautaire où les générations se mélangent, celles des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l’autre, la France, celle de la maternelchik, des mots qu’il faut conquérir et des Minikeums. Drôle, tendre, frondeur, « Tenir sa langue » révèle une voix hors du commun.
Quelques pensées et aphorismes de Marguerite Yourcenar lus pour terminer notre soirée.

Les ouvrages et leurs auteurs présentés ce jour :

« L’art de la joie » de Goliarda SAPIENZA
« Une activité respectable » de Julie KERNINON
« Un chien à ma table » de Claudie HUNZINGER
« Colette Hiver » de Régine THIEULENT-TORRETON
« Borgo Sud » de Donatella DI PIETRANTONIO
« Tout le bleu du ciel » de Melissa DA COSTA
« Cosmétique de l’ennemi » de Amélie NOTHOMB
« Pierre » de Christian BOBIN
« Le train des enfants » de Polina PANASSENKO
« Pensées et aphorismes » de Marguerite YOURCENAR

Notre prochain rendez-vous aura lieu le jeudi 16 mars 2023 au Kasino à 15 h 00